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tirer quelque bien à part et le convertir à son particulier profit, elle mit tout en la puissance d’autrui, et s’étant, d’une possession infinie, retranchée à un petit coin, elle amena la pauvreté, et quand elle commença à desirer beaucoup, elle perdit tout ; mais pourtant, qu’elle veuille courir pour gagner ce qu’elle a perdue, pourtant qu’elle se peine de joindre champ à champ et qu’à prix d’argent ou de force elle chasse son voisin, jaçoit qu’elle étende ses Domaines par tout une grande Province et qu’elle apelle sa profession, un long voïage qu’elle fait, passant toujours par ses terres, jamais aucune étendue de champ pour si longue qu’elle soit, ne nous pourra ramener jusqu’au lieu, d’où nous sommes partis ; après que nous aurons tout fait, nous aurons beaucoup, si vous voulez, mais nous avions tout ; la terre d’elle même étoit plus fertile que quand elle fut labourée, et plus prodigue pour l’usage des peuples quand ils ne la ravissoient point ; ils avoient, dit-il, autant de plaisir à montrer ce qu’ils avoient trouvé, comme à le trouver, aucun n’en pouvoit avoir trop ou trop peu, tout étoit parti entre personnes, qui étoient bien d’accord. Le plus puissant n’avoit point encore jetté la main sur le plus foible ; l’avaricieux, qui cachoit ce qu’il tenoit en reserve inutile, n’avoit point encore privé un autre de ce qui lui étoit nécessaire[1]. On avoit autant de soin d’autrui que de soi-même. Ceux qu’une forêt épaisse défendoit des ardeurs du soleil, y vivoient avec toute assurance dans une petite loge couverte de feuillages et de bran-

  1. Senèque… Épit. 90.