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Il a raison ici de dire qu’elle se perd, parce qu’il faut effectivement l’avoir perdu et renoncer entièrement à ses lumieres, pour vouloir soutenir des propositions aussi absurdes que celles-là. Voilà cependant un des principaux points de la doctrine de nos Deïchristicoles, ils voïent bien eux-mêmes que la raison se perd dans les absurdités de ces beaux prétendus mistères, et cependant ils jugent, qu’ils doivent plûtôt perdre leur raison, que d’aller contre leur Foi, en suivant les lumières de leur raison : c’est pour eux, dit Mr. de Montagne,[1] une raison de croire, que de rencontrer une chose incroïable et elle est selon eux d’autant plus selon la raison, qu’elle est contre l’humaine raison ; mais c’est cela même, qui prouve évidemment leur aveuglement et la fausseté de leur doctrine.

Nos Deïchristicoles blâment et condamnent ouvertement l’aveuglement des anciens Païens, qui reconnoissoient et adoroient plusieurs dieux, ils se raillent de ce qu’ils disoient de la généalogie de leurs Dieux, de leur naissance, de leur mariage et de la génération de leurs enfans. Et ils ne prennent pas garde eux-mêmes, qu’ils disent des choses, qui sont beaucoup plus ridicules et plus absurdes, que tout ce que les Païens ont dit de leurs Dieux ; car si les Païens ont reconnu et adoré plusieurs Dieux, ils ne disoient pas, qu’ils n’avoient tous qu’une même nature, qu’une même puissance, et qu’une même Divinité ; ils attribuoient ingénuement et sans mistère à chacun d’eux leur propre nature, leur propre puissance, leur propre volonté, leurs

  1. Essai, pag. 406