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LES LOUPS

glants, râler les misérables comme des bêtes crevées. Et parmi eux, ces femmes désespérées, qui pleuraient de misère, effondrées dans la vase, mangées de vermine, leurs robes de cour souillées, semblables à des haillons… Toute ma haine est tombée devant tant d’infortune. Mes soldats, silencieux, passaient, détournant les yeux pour laisser mourir en paix ces misérables. — Mais toi, tu t’acharnais contre eux. Tout ce qui vivait encore, tout ce qui pouvait encore souffrir, tout ce qui était bon pour la guillotine, tu le faisais entasser dans tes fourgons ; et tu raillais les femmes sur leur linge sali, sur les trous de leurs robes, et leur peau grelottante qu’on voyait au travers.

Verrat se met à rire.
D’OYRON.

Tu es trop sentimental. Teulier. Si tu étais tombé dans leurs mains, ils auraient eu moins d’égards. Tu ne sais pas quels cœurs féroces dorment sous les seins dodus de ces caillettes grassouillettes. Quand Érasme de Contades mettait à feu les chaumines de l’Ardenne, elles riaient à belles dents, les mignonnes dont les petits derrières te font pleurer de pitié.

VERRAT.

En cela, il a raison. Je réserve ma pitié pour des objets plus dignes.

CHAPELAS.

Des appas plébéiens !

VERRAT.

Tu te gausses de moi, Chapelas. Ne ris pas ; j’ai de l’humanité, moi aussi ; il n’y a pas de cœur plus sensible que le mien. Seulement je suis pudique, je ne l’étale pas tout nu.

D’OYRON, à Teulier.

On voit bien que tu n’as pas à te venger, Teulier. Je risque plus que vous ici. Je les tuerai, où ils me tueront. Tu ne sais pas de quelle haine féroce et raffinée ils me pour-