Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 10.djvu/422

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cela, comme Balzac l’a prouvé dans l’un de ses merveilleux romans, des aventures assez compliquées.

Cet ensemble d’humanité, même avec certains cas de fièvres d’esprit exceptionnelles, n’en revêt pas moins, par son décor d’existence, un caractère de discrétion particulière, une allure de vie ancienne et cloîtrée. Les casaniers, auxquels on pense sans cesse pendant un séjour à Guérande, n’ont pas grand effort à faire pour rester chez eux. La haute muraille qui les enserre, et par-dessus laquelle on voit à peine, du dehors, un toit, un clocher, une tête d’arbre, cette muraille fait de la ville une véritable prison, mais une prison lumineuse, aux couloirs blancs, aux cellules confortables. Les rues et les ruelles tournantes, les maisons basses, parlent aux yeux de vie paisible, de règle acceptée. On n’imaginerait pas ici un littérateur tel que ceux qui sont avides de l’agitation de la vie. Un savant forcé de recourir à de nombreuses sources d’information, obligé de se servir d’un laboratoire minutieusement outillé, ne trouverait pas non plus à se créer à Guérande un milieu productif en découvertes. Mais on voit très bien, dans l’une de ces muettes maisons protégées par le rempart, un philosophe qui voudrait résumer en un traité, à la façon du xviie siècle, son expérience et sa pensée.

ANCIENS COSTUMES DES PALUDIERS DE BOURG DE BATZ.

La promenade, nécessaire à la méditation et à la mise en ordre de ses constatations et de ses arguments, ne manquerait pas à ce métaphysicien établi dans la rigide et claire Guérande. Au dehors de la ville, c’est une belle allée circulaire. De vieux arbres, de vieux bancs, de l’ombre épaisse, et, tout autour de soi, les vallées illuminées, un pays de mer, les marais salants qui brillent au soleil de tous leurs cristaux. La fortification farouche est ouvragée de la dentelle verte des plantes grimpantes, tendue de la tapisserie des fleurs qui poussent entre les pierres. Il faut un effort pour songer que ces constructions ont été faites pour résister à des sièges, pour inspirer la prudence aux bandes qui parcouraient la campagne. Aujourd’hui, la muraille de 1431 abrite, dans les fossés pleins d’eau, les ébats de familles bavardes de canards, et c’est le récit attentif de la journée vécue par l’un de ces canards, qui constituerait l’histoire actuelle de la farouche fortification de Guérande.

Non loin, le Croisic, sa magnifique plage, sa promenade du Mont-Esprit, où les vieux ormes ont