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résidence d’hiver, ce qui veut dire de l’époque des plus grandes chaleurs.

En attendant, je parcourus la ville, revêtu d’un costume d’une blancheur de neige, que j’avais acheté dans les magasins de la Belle-Jardinière ; mais combien fut grande mon humiliation quand je vis qu’on me regardait un peu comme autrefois nous regardions à Paris un Arabe avec son burnous, ou un Grec avec sa fustanelle ! Dans la ville de Rio, la couleur noire dominait partout. Les commis de magasin avec leur balai, portaient, dès sept heures du matin, d’élégantes redingotes de drap. Le blanc n’existait nulle part dans ce pays, ou les criminels seuls, m’avait-on dit, eussent dû être condamnés à ce supplice de l’habit noir. Croyez donc et suivez les conseils !

J’avais, on le devine, une idée fixe : celle de trouver un logement où je n’aurais pas à me battre avec les cancrelas. Je passai d’abord sur une place ornée d’une fontaine magnifique et surtout bien originale ; jamais je n’ai vu, à aucune autre, une quantité si prodigieuse de robinets ! Une cinquantaine de nègres et de négresses, toujours criant, se démenant, gesticulant, y pouvaient emplir leurs cruches sans trop attendre. Je traversai plusieurs rues et je me trouvai au bord de la mer, précisément à l’endroit où j’avais vu tournoyer tant de goëlands. Un coup d’œil jeté en passant sur ce que portaient deux nègres, me fit reconnaître ce qui attirait ces oiseaux intelligents : sur le quai, en face de la mer, s’élevait un vaste hôpital.

En continuant de côtoyer la mer, je passai sous une terrasse terminée à ses deux extrémités par des pavillons : c’est le jardin public. Mais j’avais hâte d’arriver en haut d’une petite colline où j’apercevais une église, de jolies maisons et des arbres. Quel plus charmant endroit pour se loger ! des ombrages et la mer pour se baigner ! Mais je cherchai en vain : rien n’était à louer. Après la « Gloria » (c’est le nom de cette colline), je visitai le quartier du Catète, où demeure toute l’aristocratie de noblesse et d’argent, le faubourg Saint-Germain et la Chaussée-d’Antin de Rio réunis. Ce n’était point encore là que j’avais chance de me loger. De là, j’allai à Botafogo, sur le bord de la mer, et j’y admirai de fort belles habitations, entre autres celle de M. d’Abrantès qui est, dit-on, un généreux protecteur des arts ; mais là comme ailleurs il n’y avait à espérer pour moi ni appartement ni chambre. En définitive, je compris que je devais renoncer à mes illusions. D’ailleurs, il m’eût fallu acheter des meubles, louer un nègre et une négresse : le mieux était de demander modestement au seigneur et maître de mon hôtel une chambre à fenêtre.

Avenue de la Gloria, à Rio-de-Janeiro.


Audience de l’empereur du Brésil. — Excursion dans la montagne. — La grande cascade. — Travail et repos. — Une mémorable interruption.

Déjà mon oisiveté me pesait, et je méditais de faire sans plus de retard le voyage de Pétropolis, quand on m’annonça que Sa Majesté l’empereur arrivait le soir même à Rio. Le jour suivant, dès le matin, je me rendis au palais de Saint-Christophe, et vers onze heures, M. Barboza me conduisit dans une galerie d’une architecture très-simple. Comme on m’avait assuré que j’aurais à subir toutes les cérémonies de l’étiquette la plus minutieuse, je cherchais de tous côtés un introducteur : mais