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Nécropole de Desset. — Dessin de Eug. Cicéri d’après un croquis de M. G. Lejean.


VOYAGE AU TAKA

(HAUTE NUBIE)


PAR M. GUILLAUME LEJEAN[1].
1864. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


XIV

Le Samhar. — Études rétrospectives. — Une page d’Artémidore avec commentaire. — Les sauterelles. — Amba. — Desset. — Tombeaux antiques. — Les Rôm. — Un Ajax africain.

Je reviens aux Mensa, dont M. de Courval vante avec raison le beau pays, mais il me paraît dans l’erreur en y signalant des sables aurifères. Je pense que les gens qui lui auront donné ce renseignement auront été trompés par la vue de paillettes brillantes, sans doute du talc ou du mica.

La lisière plate et presque nue, tachetée de montagnes généralement isolées, et que j’allais avoir à traverser en diagonale depuis Aïn jusqu’à Massaoua, forme une région naturelle qui s’appelle le Samhar. Ce pays est assez connu, au moins dans ses grandes lignes physiques, car c’est le petit désert (de 8 lieues environ de large) qu’il faut traverser pour aborder la fertile et riante Abyssinie. Déjà dans l’antiquité, principalement sous cette dynastie des Ptolémées, qui activa si intelligemment le commerce de la mer Rouge, le Samhar était aussi connu des voyageurs qu’il y a dix ans. Je demande pardon à mes lecteurs d’une courte digression dans le domaine du passé : ils y verront combien il est nécessaire pour comprendre les géographes anciens, d’avoir des notions précises et spéciales de l’état actuel des pays qu’ils décrivent, surtout quand ce sont des contrées où presque rien ne se modifie, et où les mœurs sont aussi immuables que la nature physique et quelquefois davantage. Comme on le verra plus loin, certains torrents du Samhar changent de lit, chaque année, tandis que le nomade vit toujours à peu près comme au temps d’Atémidore.

Selon cet éminent compilateur, les nomades de cette région « chassent les éléphants de la manière suivante : placés en embuscade sur les arbres, lorsqu’ils aperçoivent une troupe d’éléphants, qui traverse la forêt, ils la laissent passer ; mais ils s’approchent doucement des traîneurs qui errent çà et là, et leur coupent les jarrets. Quelquefois aussi ils les tuent avec des flèches trempées dans du fiel de serpent : la flèche est tirée par trois hommes à la fois ; d’eux d’entre eux, les jambes en avant, tiennent fortement l’arc, le troisième tire la corde. Il en est d’autres qui, ayant remarqué les arbres contre lesquels ces animaux ont coutume de s’appuyer pour dormir, s’en approchent par le côté opposé, et coupent le tronc près de terre : lorsque l’éléphant vient pour se coucher contre l’arbre, il le fait tomber et est entraîné dans la chute ; les chasseurs sautent alors du haut des

  1. Suite et fin. — Voy. pages 97, 113 et 129.