Page:Le Tour du monde - 11.djvu/189

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qui d’ailleurs comprenaient et parlaient à peine l’espagnol, se contentèrent en quittant la Mission de remercier le missionnaire de la façon aimable dont il les avait accueillis ; mais les Péruviens Beltran et Ascarate, de retour à Lima, firent en faveur de leur hôte une levée de boucliers, — ce qu’aujourd’hui nous appelons une réclame, — et cela avec tant de zèle, de retentissement et de bonheur, que tous les regards de la foule se tournèrent du côté de la plaine du Sacrement, vers ces Missions de l’Ucayali qui pour la plupart des habitants de la Côte et de la Sierra, n’existaient plus qu’à l’état de légende.

Une aurore nouvelle parut se lever sur ces points oubliés. L’avenir des Missions devint le sujet de conversation à l’ordre du jour. On en parla dans les salons et dans les ranchos. Une collecte faite dans un moment d’enthousiasme parmi les commerçants des Portales, produisit une somme assez ronde. Alors on se mit en quête de missionnaires et naturellement on s’adressa aux Franciscains de Lima ; mais pour des motifs que nous ignorons, aucun religieux de cet ordre ne voulut quitter son couvent pour aller s’établir à Sarayacu. Dans cette fâcheuse occurrence, l’archevêque Benavente fut obligé de recourir aux couvents d’Europe. Des moines italiens qui rêvaient sans espoir la palme du martyre, accoururent à son appel. En 1836, les pères Simini, Vicli, Rossi, Bregati et quelques autres dont les noms en i nous échappent, s’installaient à Ocopa et y fondaient un collége apostolique destiné à approvisionner de desservants les Missions de l’Ucayali.

Navigation du révérend Plaza sur les rivières Apurimac et Chancuamayo.

Les pères Simini et Vicli furent les premiers de ces religieux qui vinrent à Sarayacu partager la solitude et les travaux du révérend Plaza ; leur arrivée fut saluée par le vieillard comme un événement heureux. Désormais il allait avoir près de lui des amis qui vivraient de sa vie, des cœurs dans lesquels il pourrait épancher son cœur, des intelligences en état de comprendre la sienne, et cette idée combla momentanément tous ses vœux. Les premiers temps de ce triumvirat apostolique furent signalés par l’entente la plus cordiale et l’union la plus fraternelle. Par malheur l’esprit humain est ainsi fait qu’à la longue il se lasse de tout, même de la paix et de la concorde. De petites difficultés surgirent un beau jour entre nos religieux, de petites blessures d’amour propre furent faites de part et d’autre ; on échangea quelques mots aigres et la guerre fut déclarée. Alors les moines italiens s’unirent dans un touchant accord et tentèrent de substituer leur domination à celle du révérend Plaza ; mais celui-ci que quarante années de gouvernement absolu avec un nerf de lamantin pour sceptre, avaient rendu presque féroce à l’endroit de ses prérogatives, se redressa de toute sa hauteur et contraignit ses