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présomptueux adversaires à s’humilier devant lui. Après trois ans de séjour à Sarayacu, les pères Simini et Vicli retournèrent à Ocopa et d’autres moines italiens vinrent prendre leur place. Instruit par l’expérience, le révérend Plaza n’eut garde de s’humaniser avec les nouveaux venus et les tint à distance, ainsi que tous ceux qui leur succédèrent.

Ce réveil de la foi, que nous avons constaté en passant, cet élan d’enthousiasme en faveur des Missions, s’éteignirent ou s’atténuèrent sensiblement après quelques années. Les commerçants des Portales ne songeaient plus qu’à leur commerce, et le chef de l’État, tout à sa politique, avait oublié les villages chrétiens de l’Ucayali. Seul, l’archevêque Benavente les appuyait toujours de ses vœux et de ses prières ; mais cet appui ne leur suffisait pas pour vivre, et sans un système de quêtes dans les divers quartiers de Lima imaginé par Fray Ildefonse Roa[1], système que les religieux italiens perfectionnèrent et étendirent par la suite aux trois provinces de Lima, de Pasco, de Xauja, Sarayacu et ses annexes n’existeraient plus à cette heure ou seraient passés de l’état de Missions à celui de comptoirs, comme la plupart des villages du Haut-Amazone, longtemps gouvernés par les Franciscains du Pérou ou des Carmélites du Brésil, et régis aujourd’hui par des gouverneurs-trafiquants.

Retour de Quito du révérend Plaza.

Après ce coup d’œil jeté sur la plaine du Sacrement et sur les Missions de l’Ucayali, que nous avons prises à leurs débuts et suivies dans leurs phases de progrès et de décadence, il nous reste à les envisager au point de vue de l’actualité. À ceux de nos lecteurs qui, ne trouvant pas dans la revue que nous allons en faire ce qu’ils s’attendaient à y rencontrer, pourraient nous imputer à faute leur désenchantement, nous répondons que nous n’en pouvons mais, et que la faute, si faute il y a, en est aux temps, aux lieux, à la nature des individus et à l’esprit des institutions. Humble observateur, nous nous sommes borné jusqu’ici à recueillir des faits et à poser des prémisses, laissant à ceux qui nous font l’honneur de nous lire le soin de rechercher les causes et de tirer les conséquences.

  1. Ce frère Ildefonse Roa, enfant de troupe né en Espagne, était venu jeune en Amérique où il suivit la carrière des armes. Lors de la bataille d’Ayacucho, qui assure l’indépendance du Pérou, il était sous-lieutenant au régiment Royal-Alexandre. Resté sans moyens (l’existence par suite du licenciement des troupes espagnoles, il entra dans le couvent d’Ocopa et prit l’habit de Saint-François. Si ses allures comme moine se ressentirent toujours de son premier état, son zèle, son activité comme frère quêteur, sa façon toute militaire de réveiller la tiédeur des fidèles et de stimuler leur charité, furent d’un utile secours aux religieux de l’ordre.