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de son axe. Les vapeurs qui s’élèvent au moment où l’eau choque les parois intérieures du roc, forment une pluie éternelle dans les environs. Le bruit se fait entendre de six lieues ; on croit voir trembler les rochers du voisinage. »

Jeune esclave d’Itapua, au Paraguay. — Dessin de Sauvageot.

Les crues périodiques des deux fleuves, qui, à des époques fixes, changent en lacs les savanes sans fin du Chaco, et les plaines méridionales du delta qu’ils circonscrivent, permettent au Paraguay de s’isoler au milieu d’un continent ; mais ils peuvent devenir en même temps pour ses productions des moyens d’écoulement et de transport, et diminuer d’une manière notable les inconvénients de sa position méditerranée, en faisant disparaître en partie l’énorme distance qui le sépare de l’Océan. On a signalé dès les premiers temps de la découverte le voisinage et l’entrecroisement des sources du Paraguay avec celles de la rivière des Amazones. Quelques esprits enthousiastes ont aussitôt proposé de réunir ces branches d’origine par un canal ; de faire ainsi du Brésil une île d’une incommensurable étendue, en ouvrant la navigation entre les villes Argentines et Belem, chef-lieu de la province du Para. Ce projet fut mis à l’étude sous le ministère du comte da Barca. Sur un autre point, entre l’Iténès ou Guaporé et la branche la plus méridionale du Rio-Jaurie, existe un isthme étroit, facile à faire disparaître à l’aide d’un canal de cinq kilomètres creusé dans des marais. On ouvrirait ainsi une navigation merveilleuse à travers les contrées centrales du continent Sud-Américain. C’est le propre de la nature colossale du nouveau monde d’inspirer des projets dont la grandeur et les résultats possibles éblouissent, j’allais dire effrayent l’imagination. Tous ces rêves sont réalisables ; toutes ces utopies deviendront dans quelques siècles d’admirables vérités, lorsque l’Europe aura donné à l’Amérique ce qui lui manque, des colons, en versant sur cette terre promise le trop plein de ses populations industrielles.


Climatologie. — Flore et Faune.

Le sol du Paraguay appartient, à part les alluvions, au système tertiaire de l’Amérique du sud. Composé de grès févrifères et d’argiles, avec de vastes dépressions couvertes d’alluvions modernes, il se relie au terrain tertiaire guaranien de M. d’Orbigny, qui comprend dans son immense extension le nord de la province de Corrientes, les missions de l’Entre-Rios et celles du Brésil. Il ne présente dans sa constitution géologique aucune trace de productions volcaniques, et les tremblements de terre y sont à peu près inconnus. Nulle source, soit thermale, soit minérale ; et si les eaux du lac Ypacarahy sont parfois prescrites avec efficacité dans le traitement des affections chroniques, c’est que leur action, analogue à celle des bains de mer, est due à la présence d’une très-faible proportion de sel tenu en dissolution, et qui provient du terrain argileux qu’elles submergent. Cet argile salifère se rencontre sur plusieurs points, et constitue un phénomène géognostique qui joue un rôle important dans l’économie rurale et domestique du pays. Les bestiaux recherchent et mangent cette terre saline avec une rapidité qui étonne le voyageur témoin de ce spectacle étrange. Là où elle manque, ils tombent bientôt dans le marasme et ne tardent pas à périr, si l’éleveur néglige de donner à ses troupeaux une certaine quantité de sel que l’on tire à grands frais de lAssomption ou du Brésil par la voie d’Itapua. En outre, les efflorescences de cette terre, recueillies et traitées par évaporation, fournissent la majeure partie du sel destiné à la consommation des habitants.

Situé sur les limites de la zone torride, il semble que le Paraguay devait offrir à l’observation des conditions météorologiques analogues, en partie à celles des pays intertropicaux, en partie à celles des régions tempérées. Mais au milieu des continents, le passage d’un système de climat à un autre ne paraît s’effectuer ni brusquement, ni par une transition insensible, à une distance plus ou moins rapprochée de l’équateur, comme sur les côtes océaniques : il semble plutôt se manifester par l’apparition alternative mais déréglée des phénomènes qui caractérisent, tantôt les climats brûlants et humides des contrées équinoxiales ; tantôt les climats encore chauds mais plus secs des latitudes plus élevées. Il résulte de ce fait une irrégularité très-grande de la distribution annuelle de la température. Ainsi, ou bien les pluies générales et les orages amènent des inondations périodiques et désastreuses, et l’on éprouve toutes les conséquences d’une extrême humidité ; ou bien, et c’est le cas le plus habituel, les pluies ne tombent que rare-