Page:Le Tour du monde - 11.djvu/359

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phique qui célèbre si justement l’humide climat de Tavistock :

 « The west wind always brings wet Weather,
The east wind wet and cold together ;
The south wind surely brings us rain,
The north wind blows it back again.
 »

Ce qui, traduit en français, veut dire littéralement :

« Le vent de l’ouest amène toujours un temps humide ; le vent de l’est un temps humide et froid ; le vent du sud nous apporte sûrement la pluie, et le vent du nord nous la ramène de nouveau. »

La dernière repartie de notre digne cocher, qu’il fallait bien habiter quelque part, me rappelait celle de Bridoison, qui disait avec tant d’à-propos qu’on est toujours fils de quelqu’un. Et comme la pluie continuait de tomber à cruches, pour parler comme les Espagnols, je criai à John d’exciter ses bêtes. « All right, » me répondit-il, « c’est bien, » et il mit ses chevaux au galop. En un quart d’heure nous arrivâmes à Bedfort.

Le soir, comme nous nous remémorions les émotions de l’après-midi, et que, le visage collé à nos vitres, nous regardions tomber la pluie, nous voulûmes finir la journée en jouant tranquillement aux cartes,

Car que faire à l’auberge à moins que l’on n’y joue ?

La maîtresse du logis nous refusa net le plus petit jeu de whist ou d’écarté.

« On ne joue pas le dimanche en Angleterre, on prie Dieu.

— Et quand on a prié Dieu ?

— On boit. Voulez-vous du whisky, de l’ale, du porter, du sherry ? Parlez, on vous en servira jusqu’à vous faire tomber sous la table ; mais des cartes, jamais. Demain, si vous voulez.

Puits d’aérage, à Wheal Friendship. — Dessin de Durand-Brager.

— Merci, madame l’hôtesse, demain est jour de travail, et nous irons à nos affaires »

Le lendemain, en effet, nous frappions de bonne heure à la porte hospitalière de M. Matthews, qui nous attendait pour déjeuner. Nous fûmes reçus par ce galant homme comme on est partout reçu en Angleterre quand on est muni d’une lettre d’introduction. Il nous présenta à sa femme, puis ce fut le tour de ses filles, qui successivement vinrent dans la salle à manger, en tenue du matin, donner le baiser à leurs parents. Enfin on se mit à table, non sans procéder religieusement à un benedicite récité par le père et suivi en commun par la famille. Le déjeuner fut modeste, frugal, comme il est d’habitude en Angleterre pour ce breakfast matinal : le thé, l’inévitable thé, le beurre, le lait, un œuf cuit sur un morceau de jambon, une microscopique tranche de pain dépouillée de croûte et coupée en carré, formaient tous les éléments du repas. Mes amis, qui n’avaient pas encore vu l’Angleterre et qui avaient rêvé sans doute au festin de Gargantua, me regardaient tout étonnés. Le déjeuner fut bien vite achevé, et nous partîmes légers pour les mines, non sans avoir promis aux jeunes miss, qui gracieusement nous le demandèrent, de revenir le soir leur montrer nos albums.

Le repas dont je viens d’esquisser l’ordonnance ouvre partout, dans le Royaume-Uni, la vie quotidienne de la famille. Il a lieu vers huit ou neuf heures du matin. Comme il est peu substantiel, il est suivi d’un goûter ou lunch, vers une heure ou deux de l’après-midi. Le fromage, le traditionnel chester, les galettes sèches dont les Anglais sont si friands, les conserves, quelquefois les viandes froides, sont admises au lunch, et la boisson est la bière, le porter, le sherry ou vin de Xérès alcoolisé dans les docks de Londres. Le soda ou eau gazeuse jouit aussi des honneurs du lunch. Le thé en est sévèrement banni. Vers cinq ou six heures a lieu le dîner,