Page:Le Tour du monde - 11.djvu/395

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rôle ils prennent un peu de vacance, les jours de fête, et alors un suppléant remplace le gardien momentanément absent. Il paraît que lorsque la lame déferle contre les brisants, dans ces jours de violentes tempêtes si communes dans la Manche, le phare tremble sur ses fondations, un bruit formidable, sinistre, se fait entendre ; on dirait que tout va s’engloutir ; mais les gardiens s’habituent peu à peu à ce terrible concert des eaux et du vent : on se fait à tout en ce monde.

Vue du cap Land’s end : la première et la dernière auberge. — Dessin de Durand-Brager.

Sur une des pierres servant de base à la lanterne qui surmonte le phare entourée d’une balustrade en fer, sont écrits ces seuls mots, éloquents dans leur simplicité même : 24 aug. (août) 1759, Laus Deo (gloire à Dieu !) Autour de la corniche supérieure se déroule en anglais ce magnifique verset du psalmiste :

« Si le Seigneur n’avait pas bâti la maison, en vain auraient travaillé ceux qui l’ont bâtie. » (Psaume CXXVII.)

Il y a sur les côtes de l’Angleterre plus d’un magnifique phare dans le genre de celui d’Eddystone, et les exemples seraient faciles à multiplier, si l’on voulait citer des noms ; mais ce n’est point ici le cas.

Vue des côtes du Cornouailles entre Tintagel et Boscastle. — Dessin de Durand-Brager.

Tous ces phares fixes du reste ne suffisent pas aux Anglais. Ils ont aussi les phares flottants ou bateaux phares, light-boats, qui dénoncent au marin certains écueils entièrement cachés. Sur ces navires ancrés en pleine mer, peints d’une couleur rouge sombre qui aide à les reconnaître, munis d’un seul mât auquel est attachée la lanterne, vivent solitaires, ignorés, et restant souvent tout un mois sans aucune communication avec la terre, de braves et fidèles gardiens. Perdus ainsi sur les eaux, loin de la vue de tout rivage, ils sont soumis à toutes les intempéries de l’atmosphère sans pouvoir même songer à y échapper.

Le vent souffle, la mer mugit, le navire craque, se