VOYAGE AUX VOLCANS DE LA FRANCE CENTRALE,
VIII
On se rappelle ce que Chateaubriand a dit et pensé, en 1805, du site de Clermont[2]. En l’an de grâce 1665, Fléchier était d’un tout autre avis. Suivant le sémillant chroniqueur des grands jours, « il n’y a guère de ville en France plus désagréable que celle-ci. La situation en est fort incommode, à cause qu’elle est au pied des montagnes. » Ainsi, ce qui éveille l’admiration au dix neuvième siècle, excitait la répulsion au dix-septième. Je ne sache rien qui témoigne, autant que cette dissidence, des profondes modifications que 140 années peuvent apporter dans la manière de voir et de sentir des enfants d’Adam. À l’exception des rues « si étroites que la plus grande est juste de la mesure d’un carrosse ; et que deux carrosses y font un embarras à faire damner les cochers, » le jeune prédicateur du roi, le futur évêque de Nîmes, semble n’avoir rien remarqué dans Clermont. De sa belle cathédrale, où il entendit la messe pourtant, et dont la haute voûte ogivale est soutenue par des piliers si déliés qu’ils sont effrayants à l’œil[3] ; de Notre-Dame du Port, monument plus étonnant encore comme type complet de l’architecture romane ; de sa crypte, dont la forme et l’ornementation indiquent à l’esprit le moins prévenu le passage du temple païen à la chapelle chrétienne ; des grands souvenirs de la première croisade attachés à ces deux églises, et de tant d’autres choses indiquées par la griffe du lion dans les 17 pages comprises, sous le titre de Voyage à Clermont, dans les œuvres complètes de Chateaubriand, ne cherchez pas de traces dans le compendieux volume de Fléchier. Entre les deux observateurs ce n’est pas seulement le temps qui a creusé une démarcation profonde ; c’est une série d’événements gigantesques, une révolution sans pareille dans la société et dans les idées ; c’est une lueur plus intense, projetée sur l’histoire ; c’est surtout l’éclosion d’une science nouvelle, la géologie, qui a doublé la portée des regards de l’homme.
Voulant nous peindre la nature des environs de Clermont, Fléchier nous dit, un peu dans la manière de l’Astrée : « On découvre en l’éloignement les montagnes du Forez d’un côté, et une grande étendue de prairies qui sont d’un vert bien plus frais et plus vif que celui des autres pays. Une infinité de ruisseaux serpentent