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LE BATAILLON DE CYTHÈRE

mère… Plus tard… je ne voulais pas qu’on sache… Monsieur, croyez-vous que c’est une existence, quand on est mère… vivre dans ce milieu-là ! Toutes les soirées, je ne pensais qu’à lui… Quand la recette était bonne, j’étais si heureuse !… Et on travaille, au 13 !… pensez à côté de l’École et les usines de Grenelle.

Enfin, je m’étais privée de le voir… de l’avoir toujours auprès de moi… ; d’abord, c’est défendu dans les maisons… mais enfin j’aurais pu, n’est-ce pas, le mettre en pension à Grenelle et avoir un appartement à côté… Mais je voulais qu’il ignorât toujours… Mon Dieu ! si plus tard il avait su, il avait appris… Si on était venu lui dire… Tes parents tenaient un… une maison publique… J’en serais morte, Monsieur…

Maison publique — fit sur l’instituteur l’effet d’un coup dans le creux de l’estomac : son cerveau s’éclairait, le voile impénétrable était déchiré ; il comprenait enfin le souci de se dérober, de se cacher, qui la hantait toujours ; il s’expliquait la correspondance passant par l’intermédiaire d’une amie.

Il eut une grimace d’indignation et de dégoût. Certes, il soupçonnait une irrégularité dans la vie de cette femme, mais cela ! mais cela…

Son autorité lui revint tout entière, il eut envie de jeter le petit cadavre dans les bras de sa mère et de crier :

— Emmenez-le ! emportez-le ! Allez-vous en !

Puis il s’apaisa, la réflexion lui vint : d’abord, c’était impossible matériellement, le décès était déclaré, et puis en la mettant habilement sur la voie, en la ména-