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Page:Le conseiller des femmes, 5 - 1833.pdf/10

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voyage ; ou, dans le cas de mon refus, d’être employé, disent-ils, à l’achat d’une vache pour augmenter mon petit avoir. Que le ciel soit loué pour ce secours inespéré. Mon pauvre enfant, voici du pain pour long-tems.

— Du pain pour long-tems, Madeleine ; est-ce que vous n’accepterez pas le sort qui vous est offert ?

— Et cet enfant que deviendrait-il si je m’en allais, répondit Madeleine.

— Mais, voisine, cela n’a pas de raison : depuis trois ans que vous vous en êtes chargée, vous n’avez vécu que de chagrins et de privations ; le bon Dieu ne peut pas exiger que vous fassiez de plus grands sacrifices.

— Je sais bien que Dieu ne l’exige pas, mais c’est mon cœur qui le veut, et me crie d’achever mon ouvrage. Viens mon Louis, dit-elle à l’enfant qui, commençant à comprendre et sa situation, et ce qu’il devait à Madeleine, écoutait ce qui se disait avec une expression de tristesse et d’inquiétude. Viens, dit la bonne vieille, ne crains rien ; va, je ne t’abandonnerai pas, et c’est ta main que je veux pour me fermer les yeux.

Le lendemain de bonne heure, Madeleine, après avoir vaqué aux soins de son petit ménage, sortit et alla toucher au bureau de la poste, le montant du bon inclus dans sa lettre ; puis, d’après un plan qu’elle s’était tracé la veille, elle se rendit chez le charpentier le plus occupé de la ville de C***, là après une demi-heure de pourparler, il fut convenu que dès le lendemain Louis entrerait dans cette maison en qualité d’apprenti, et la moitié de la somme destinée au voyage de Madeleine, ou à l’achat d’une vache, fut versée pour payer la première année d’apprentissage. Alors la bonne femme rentra chez elle le cœur joyeux, et dans l’embrassement qui l’unit à son fils adoptif, elle éprouva à la fois toutes