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Trois ans s’étaient écoulés depuis que Madeleine avait recueilli l’orphelin : il avait alors neuf ans accomplis, et commençait à rendre de petits services dans le ménage de sa protectrice. La veille des marchés, quand Madeleine était absente pour sa tournée habituelle, Louis préparait le repas, que la bonne vieille était bien aise de trouver prêt à son arrivée, ou bien l’accompagnant dans ses courses il portait de petits fardeaux, marchant légèrement à côté de sa mère adoptive que sa vivacité réjouissait. Quand ils allaient à la ferme que gardait toujours Loulou, Louis courait en avant pour embrasser plutôt le bon animal, qui joyeux de le voir lui rendait ses caresses.

Le soir, de retour au logis, assis tous deux près de la grande cheminée, au coin de laquelle était collée une chandelle de résine le petit dévidait le fil que Madeleine avait filé, et elle oubliait la prolongation de la veillée en lui racontant de longues histoires, que Louis écoutait avec avidité. C’était surtout quand elle parlait des voyages au-delà des mers, qu’avait faits son ancien maître ; quand elle nommait, en les estropiant un peu toutefois, les pays qu’il avait parcourus, et qu’elle nombrait par neuf ou dix mille les lieues qu’il avait faites ; alors, dis-je, le jeune Louis l’écoutait l’œil fixe, la bouche entr’ouverte et la main inactive.

— Maman Madeleine, lui disait-il, quand je serai grand je veux aussi aller bien loin, je t’emmènerai et travaillerai pour toi, tu ne feras plus rien.

— Oui, lui répondait-elle avec un triste sourire, oui, pauvre enfant, je reposerai quand tu pourras travailler, puisse-je ne pas me reposer auparavant.

Ce n’était que par un travail assidu que Madeleine soutenait la charge qu’elle s’était imposée ; encore ne