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Page:Le conseiller des femmes, 5 - 1833.pdf/8

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pouvait-elle pas toujours écarter d’elle et de son enfant, les privations qui étaient la conséquence de cette augmentation dans sa dépense, car chaque année lui rendait ses occupations plus dures, plus difficiles, et son activité diminuait malgré elle. Son petit champ, moins bien cultivé, ne lui rapportait presque plus. La misère commençait donc à menacer Madeleine, mais elle opposait à ses atteintes de nouveaux efforts, un plus grand courage, et jamais un moment de regret de ce qu’elle avait fait ne vint profaner sa belle ame.

C’était l’hiver surtout que le malaise se faisait sentir dans la pauvre chaumière ; alors les journées plus courtes, les mauvais chemins, rendaient plus difficiles et quelque fois impossibles les courses de chaque semaine. Que de fois retenue forcément, près de son pauvre enfant, Madeleine eut la douleur de ne pouvoir lui donner qu’un insuffisant morceau de pain dur et noir, dont bien souvent encore elle se priva pour lui.

Un jour, c’était en novembre, la pluie tombait à flots et le ciel noir partout, ne permettait pas d’espérer la cessation du mauvais temps. Madeleine tristement assise près de sa porte, regardait ce ciel sombre, et sa main immobile avait laissé tomber avec découragement le fuseau qu’elle tournait l’instant d’auparavant ; car c’était jour de marché le lendemain, et il lui avait été impossible de partir comme à l’ordinaire, pour acheter dans les fermes environnantes les marchandises dont le bénéfice faisait sa principale ressource : il fallait donc se résoudre à rester ; et pourtant le morceau de pain que mangeait Louis, tout en jouant auprès du feu, était en ce moment le seul qu’il y eut dans la maison de la pauvre et charitable vieille. À cette pensée un profond soupir sortit de son sein, et une larme sillonna lentement ses joues creuses et ridées.