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xiii PRÉFACE.

catesse, un soin scrupuleux de la diction, qui fut, après les ouvrages de génie, le secours le plus utile à la pureté de la langue. En s'occupant, vingt années encore après les Provinciales, à chicaner subtilement le style de Pascal, les jésuites apprenaient à bien écrire. En relevant avec ironie la gravité un peu uniforme, les longues périodes et les expressions parfois inusitées des autres écrivains de Port-Royal, ils s'essayaient eux-mêmes à un style plus facile et plus libre, sans être moins correct. La langue commune s'enrichissait de toutes parts, et prenait tous les tons. C'était une monnaie courante, dont les types réguliers et nets se multipliaient à l'infini pour suffire au commerce croissant des idées, indépendamment de ces médailles à part que frappe le génie, et qu'il se réserve. De bons ouvrages de critique, un peu minutieux, de subtiles analyses de la langue et de la diction servaient à fixer le goût public, que les écrits des grands hommes avaient vivement saisi, et d'abord enlevé à ces fausses admirations que fait naître l'inexpérience de l'art ou la satiété du vrai beau.

Il s'était donc formé, pour la langue et le style, cette sorte d'unité, qui se concilie très-bien avec la différence des génies, mais qui leur laisse à tous, dans leur libre physionomie, un air de famille et une parenté naturelle. Cette ressemblance dominait toutes les diversités d'opinion et de parti. Pour l'exactitude, la force et la gravité du langage, le jésuite Bourdaloue paraissait un élève accompli de Port-Royal. Quinault, dédaigné par Racine, avait dans la mélodie de ses paroles quelques accents de la même voix ; et il n'était pas jusqu'à Perrault, l'ennemi des anciens, qui ne fût classique pour la langue, et n'eût, en prose du moins, beaucoup de naturel et de simplicité.

Ainsi, noble politesse des moeurs, plaisirs délicats de l'esprit dans la pompe d'une cour, sérieuses études, rendues presque populaires par la passion religieuse, controverses assidues, qui ne laissaient pas s'énerver la vigueur de la pensée, rencontre de tant de génies divers, façonnant sous leurs mains la rudesse encore flexible du langage, tout s'accorda, tout se réunit pour porter notre idiome à cette perfection qui se sent elle-même, et n'est autre chose que le plus grand degré de justesse et de force heureusement réunies.

L'Académie avait eu sa part dans ce travail de la société française. Pendant que tout s'élevait autour de Louis XIV, elle s'était en grande partie renouvelée. Aux fausses illustrations du siècle commençant, elle avait fait succéder les vrais et durables génies, qui devaient le marquer de leurs noms ; et il était juste de dire que nulle part la langue de notre pays n'était mieux parlée, et son esprit représenté avec plus d'éclat. Ajoutons seulement que, d'après les habitudes du temps, on se faisait, du pouvoir académique, une idée peut-être excessive.

A Rome, Varron trouvait que, pour le langage, comme pour le reste, le peuple ne dépendait que de soi-même, et que chacun dépendait du peuple : Populus in suâ potestate, singuli in illius. Mais, dans la France de Louis XIV, Bossuet, tout en confessant que l'usage est le père des langues, et que le droit de les éta-