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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/187

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histoire du dormeur éveillé
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et lui dit : « Ô mon hôte, tu sais que le coq ne boit jamais avant qu’il ait, par de petits cris, appelé les poules pour venir boire avec lui. Or, moi, si je devais porter cette coupe à mes lèvres pour boire tout seul, la boisson s’arrêterait dans mon gosier, et sûrement je mourrais. Je te prie donc, pour cette nuit, de laisser la sobriété aux gens d’humeur chagrine, et de chercher avec moi la joie au fond de la coupe. Car, moi, en vérité, ô mon hôte, ma félicité est à sa limite extrême d’avoir dans ma maison un aussi honorable personnage que toi ! » Et le khalifat, qui ne voulait point le désobliger, et qui désirait en outre le faire parler, ne refusa point la coupe et se mit à boire avec lui. Et lorsque le vin eut commencé à alléger leurs âmes, le khalifat dit à Aboul-Hassân : « Ô mon maître, maintenant qu’entre nous il y a eu le pain et le sel, voudrais-tu me dire la cause qui te fait ainsi agir avec les étrangers que tu ne connais pas, et me raconter, afin que je l’entende, ton histoire qui doit être étonnante ? » Et Aboul-Hassân répondit : « Sache, ô mon hôte, que mon histoire n’est point étonnante, mais instructive seulement. Je m’appelle Aboul-Hassân, et suis le fils d’un marchand qui, à sa mort, me laissa de quoi vivre en toute aisance à Baghdad, notre ville. Or, moi, comme j’avais été tenu très sévèrement du vivant de mon père, je me hâtai de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour, en peu de temps, regagner le temps perdu pour ma jeunesse. Mais, comme de ma nature j’étais doué de réflexion, je pris la précaution de partager mon héritage en deux parts, une que je réalisai en or, et une que je conservai en fonds. Et