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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/191

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histoire du dormeur éveillé
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dément sur la demande qu’il se voyait obligé de faire ; puis soudain il releva la tête, et s’écria : « Eh bien, j’ai trouvé ! Mais c’est la demande d’un fou, sans aucun doute. Et je crois bien que je ne vais pas te la dire, pour ne point me séparer d’avec toi sur une si mauvaise idée de toi sur moi ! » Le khalifat dit : « Par la vie de ma tête ! et quel est celui qui peut dire d’avance si une idée est folle ou raisonnable ! Moi, à la vérité, je ne suis qu’un marchand, mais je puis tout de même faire bien plus que mon métier ne donne à penser sur ma puissance ! Hâte-toi donc de parler ! » Aboul-Hassân répondit : « Je parlerai, ô mon maître, mais je te jure par les mérites de notre Prophète (sur Lui la paix et la prière !) qu’il n’y a que le khalifat qui puisse réaliser ce que je désire ! Ou encore il faudrait que je devinsse, fût-ce pour un seul jour, khalifat à la place de notre maître l’émir des Croyants, Haroun Al-Rachid ! » Le khalifat demanda : « Mais enfin, ya Aboul-Hassân, que ferais-tu si tu étais le khalifat pour un jour seulement ? » Il répondit : « Voici ! » Et Aboul-Hassân s’arrêta un moment ; puis il dit :

« Sache, ô mon maître, que la ville de Baghdad est divisée en quartiers, et que chaque quartier a à sa tête un cheikh qu’on appelle cheikh-al-balad. Or, pour le malheur de ce quartier-ci que j’habite, le cheikh-al-balad est un homme si laid et si plein d’horreur qu’il a dû naître, sans aucun doute, de la copulation d’une hyène avec un cochon. Son approche est pestilentielle, car sa bouche n’est point une bouche ordinaire, mais un cul malpropre comparable