Aller au contenu

Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
198
les mille nuits et une nuit

de mille cornards ! » Mais Massrour, sans se troubler, répondit : « Ô mon seigneur, certes ! un autre que moi, en entendant ainsi parler le khalifat, mourrait de douleur ! Mais moi, ton vieil esclave, qui suis depuis de si longues années à ton service et qui vis à l’ombre de tes bienfaits et de ta bonté, je sais que le vicaire du Prophète ne me parle ainsi que pour éprouver ma fidélité ! De grâce donc, ô mon maître, je te supplie de ne point me mettre plus longtemps à l’épreuve ! Ou bien, si cette nuit un mauvais songe a fatigué ton sommeil, chasse-le et rassure ton esclave tremblant ! »

À ce discours de Massrour, Aboul-Hassân ne put se retenir plus longtemps, et, poussant un immense éclat de rire, il se renversa sur son lit, et se mit à tourner sur lui-même en s’entortillant dans les couvertures et en lançant ses jambes par-dessus sa tête. Et, derrière le rideau, Haroun Al-Rachid qui entendait et voyait tout cela, se gonflait les joues pour étouffer le rire qui le secouait.

Lorsque Aboul-Hassân eut ri dans cette posture pendant une heure de temps, il finit par se calmer un peu, et, se levant sur son séant, il fit signe de s’approcher à un petit esclave noir, et lui dit : « Dis-moi, toi ! me reconnais-tu ? et peux-tu me dire qui je suis ? » Le petit noir baissa les yeux avec respect et modestie, et répondit : « Tu es notre maître l’émir des Croyants, Haroun Al-Rachid, le khalifat du Prophète (qu’Il soit béni !) et le vicaire sur la terre du Souverain de la Terre et du Ciel. » Mais Aboul-Hassân lui cria : « Tu mens, ô visage de poix, ô fils de mille entremetteurs ! »