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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/24

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les mille nuits et une nuit

… Et le dixième jour, à l’heure marquée pour son empalement, il mit le manuscrit dans une cassette d’or et monta chez le roi.

Aussitôt, le roi Kendamir réunit ses vizirs, ses émirs et ses chambellans, ainsi que les poètes et les savants, et dit à Abou-Ali : « La parole des rois doit courir ! Lis-nous donc cette histoire promise ! Et, à mon tour, je n’oublierai pas ce qui a été convenu entre nous dans le commencement ! » Et Abou-Ali tira le merveilleux manuscrit de la cassette d’or, et en déroula la première feuille et commença sa lecture. Et il déroula la seconde feuille, et la troisième feuille et beaucoup d’autres feuilles, et continua à lire, au milieu de l’admiration et de l’émerveillement de toute l’assemblée. Et l’effet en fut si extraordinaire sur le roi qu’il ne voulut point lever la séance ce jour-là ! Et l’on mangea et l’on but, et l’on recommença ; et ainsi de suite jusqu’à la fin.

Alors le roi Kendamir, ravi à la limite du ravissement, et sûr désormais de n’avoir jamais plus un instant d’ennui puisqu’il possédait une histoire pareille sous sa main, se leva en l’honneur d’Abou-Ali, et le nomma sur-le-champ son grand-vizir, destituant l’ancien de sa charge, et, après l’avoir revêtu de son propre manteau royal, lui fit don, comme propriété héréditaire, d’une province entière de son royaume avec ses villes, villages et châteaux-forts ; et il le garda auprès de lui pour compagnon intime et confident. Puis il fit serrer la cassette avec le manuscrit précieux dans l’armoire des papiers, pour l’en tirer ensuite et faire lire l’histoire toutes les fois que l’ennui se présenterait aux portes de son âme.