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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/251

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histoire du dormeur éveillé
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commença par faire un éclat de rire de bon augure. Et elle dit à Aboul-Hassân : « Lève-toi donc d’entre les morts, ô père de la finesse, et viens traîner avec moi ce sac d’or, fruit de ta fourberie ! Par Allah, ce n’est pas encore aujourd’hui que nous mourrons de faim ! » Et Aboul-Hassân se hâta, aidé par sa femme, de se débarrasser du linceul, et, sautant sur ses deux pieds, il courut au sac de l’or et le traîna au milieu de la pièce, et se mit à danser autour, sur un seul pied.

Après quoi il se tourna vers son épouse et la félicita de la réussite de l’affaire et lui dit : « Mais ce n’est pas tout, ô femme ! À ton tour maintenant de mourir comme je l’ai fait, et à mon tour de gagner le sac ! El nous verrons de la sorte si je serai aussi habile auprès du khalifat que tu l’as été auprès de Sett Zobéida. Car il faut bien que le khalifat, qui s’est tellement diverti à mes dépens autrefois, sache bien qu’il n’est pas le seul à réussir dans ses plaisanteries ! Mais il est inutile de perdre le temps en vains propos ! Allons ! tu es morte ! »

Et Aboul-Hassân accommoda sa femme dans le linceul où elle l’avait elle-même enseveli, la plaça au milieu de la pièce, là même où il avait été étendu, lui tourna les pieds dans la direction de la Mecque et lui recommanda de ne plus donner signe de vie, quoi qu’il arrivât ! Cela fait, il s’accommoda lui-même tout à rebours de sa mise ordinaire, défit à moitié son turban, se frotta les yeux d’oignon pour se faire pleurer à grandes larmes, et, se déchirant les habits et s’arrachant la barbe et se frappant la poitrine à grands coups de poing, il courut trouver le khalifat