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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/263

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histoire du dormeur éveillé
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Lorsque le khalifat eut vu et entendu tout cela, il fut à la limite de la perplexité, et frappa ses mains l’une dans l’autre, et dit : « Par Allah ! Massrour n’est pas le seul menteur ! Moi aussi je suis un menteur, et la nourrice aussi est une menteuse, et toi aussi tu es une menteuse, ô fille de l’oncle ! » Puis il baissa la tête et ne dit plus rien. Mais, au bout d’une heure de temps, il releva la tête et dit : « Par Allah ! il nous faut de suite savoir la vérité. Il ne nous reste donc qu’à aller à la maison d’Aboul-Hassân voir par nous-mêmes quel est de nous tous le menteur et quel est le véridique ! » Et il se leva et pria Sett Zobéida de l’accompagner ; et, suivi de Massrour, de la nourrice et de la foule des femmes, il se dirigea vers l’appartement d’Aboul-Hassân. Or, en voyant s’avancer ce cortège, Canne-à-Sucre ne put s’empêcher, bien qu’Aboul-Hassân l’eût d’avance prévenue que la chose pouvait bien arriver, de se montrer fort inquiète et agitée, et elle s’écria : « Par Allah ! ce n’est point chaque fois qu’on la jette que reste intacte la gargoulette ! » Mais Aboul-Hassân se mit à rire et dit : « Mourons tous deux, ô Canne-à-Sucre ! » Et il étendit sa femme par terre, l’ensevelit dans le linceul, s’accommoda lui-même dans une pièce de soie qu’il prit dans un coffre, et s’étendit à côté d’elle, en n’oubliant point de se poser son turban sur le visage, selon le rite. Et il avait à peine terminé ses préparatifs que la compagnie entra dans la salle.

Lorsque le khalifat et Sett Zobéida eurent vu le spectacle funèbre qui se présentait à leurs yeux, ils restèrent immobiles et muets. Puis soudain Sett