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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 10, trad Mardrus, 1902.djvu/289

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les amours de zein al-mawassif
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annonça à son épouse et à son associé qu’il était invité à aller chez le wali pour une grande commande de marchandises ; et il les pria d’attendre son retour pour commencer le repas. Puis il les quitta et sortit dans le jardin. Mais, au lieu d’aller chez le wali, il se hâta de revenir sur ses pas et de monter à l’étage supérieur de la maison ; là, d’une chambre dont la fenêtre donnait sur la salle de réunion, il pouvait surveiller ce qui allait se passer.

Or, il ne fut pas long à attendre le résultat, qui se manifesta de leur part sous forme de baisers et de caresses d’une intensité et d’une passion incroyables. Et, comme il ne voulait ni trahir sa présence ni leur laisser deviner qu’il n’était pas allé chez le wali, il fut obligé d’assister, pendant une heure de temps, aux manifestations forcenées des deux amants. Mais, après cette attente douloureuse, il descendit les retrouver et entra dans la salle, avec un visage souriant, tout comme s’il ne savait rien. Et, durant tout le repas, il se garda bien de leur laisser deviner ses sentiments, et eut beaucoup plus d’égards et d’attentions pour le jeune Anis, qui, d’ailleurs, se montra encore plus réservé et plus discret que d’habitude.

Mais lorsque le repas fut terminé et que le jeune Anis fut parti, le juif se dit : « Par les cornes de notre seigneur Moussa ! je vais brûler leur cœur par la séparation ! » Et il tira de son sein une lettre qu’il ouvrit et lut ; puis s’écria : « Voici que je vais être encore obligé de partir pour un long voyage. Car cette lettre m’arrive de mes correspondants de l’étranger, et il faut que j’aille les voir pour arranger avec eux une grosse affaire commerciale ! » Et