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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 11, trad Mardrus, 1902.djvu/53

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histoire du jeune nour avec la franque…
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crieur, bien marri, se tourna vers l’adolescente et lui dit : « Par Allah ! depuis le temps que j’exerce mon métier, jamais je n’ai eu une journée aussi néfaste que celle-ci ! Ne pourrais-tu réprimer les désordres de ta langue, et nous laisser gagner notre subsistance ? » Puis, pour mettre fin aux rumeurs, il continua la criée.

Alors survint un troisième marchand fortement barbu, qui voulut acheter la belle esclave. Mais avant qu’il eût ouvert la bouche pour faire son offre, l’adolescente se mit à rire et s’écria : « Regarde, ô crieur ! Chez cet homme l’ordre de la nature est interverti : c’est un mouton à grosse queue, mais sa queue lui a poussé au menton ! Et, certes, tu ne songes pas à me céder à un homme qui possède une barbe si longue et par conséquent un esprit fort borné ! Car tu sais que l’intelligence et la raison sont en sens inverse de la longueur de la barbe ! »

À ces paroles, le crieur, à la limite du désespoir, ne voulut pas aller plus loin dans cette vente-là ! Et il s’écria : « Non, par Allah ! je n’exerce plus le métier aujourd’hui ! » Et, prenant l’adolescente par la main, avec un sentiment de terreur, il la remit au Persan, son ancien maître, en lui disant : « Elle est invendable pour nous ! Qu’Allah ouvre pour toi ailleurs la porte de la vente et de l’achat ! » Et le Persan, sans se troubler ni s’émouvoir, se tourna vers l’adolescente et lui dit : « Allah est le plus généreux ! Viens, ma fille ! nous finirons bien par trouver l’acheteur qui te sied ! » Et il l’emmena et s’en alla, la tenant par une main, tandis qu’il conduisait, de l’autre main, la mule par la bride, et que l’adolescente