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les mille nuits et une nuit

Le crieur alors, pour que l’adolescente ne pût continuer à invectiver le vieux syndic, se hâta de recommencer la criée, de toute sa voix, en clamant : « Ô marchands, ô acheteurs ! l’encan est ouvert et reste ouvert ! Au plus offrant, la fille des rois ! » Alors s’avança un autre marchand, qui n’avait pas assisté à ce qui venait de se passer et qui, ébloui par la beauté de l’esclave, dit : « À moi, pour neuf cent cinquante dinars ! » Mais l’adolescente, à sa vue, poussa un éclat de rire ; et, lorsqu’il se fut approché d’elle pour la mieux examiner, elle lui dit : « Ô cheikh, dis-moi, as-tu dans ta maison un solide couperet ? » Il répondit : « Oui, par Allah, ô ma maîtresse ! Mais que veux-tu en faire ? » Elle répondit : « Ne vois-tu donc pas qu’il faut, avant tout, te couper un notable morceau de l’aubergine que tu portes en guise de nez ? Et ignores-tu que c’est à toi, mieux qu’à personne, que s’appliquent ces paroles du poète :

« Sur son visage s’élève un immense minaret qui pourrait laisser s’engouffrer, par ses deux portes, tous les humains. Et du coup la terre serait dépeuplée ! »

Lorsque le marchand au gros nez eut entendu ces paroles de l’adolescente, il fut dans une telle colère qu’il éternua avec un grand éclat, puis, saisissant le crieur au collet, il lui asséna plusieurs coups sur la nuque, en lui criant : « Maudit crieur ! ne nous as-tu amené cette impudente esclave que pour nous injurier et nous rendre un objet de risée ? » Et le