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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 12, trad Mardrus, 1903.djvu/176

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les mille nuits et une nuit

royeurs du Caire avaient épuisé leur art pour en rapprocher les débris. Et, de tout cela, les babouches d’Abou-Cassem étaient devenues si pesantes, que depuis longtemps elles avaient passé en proverbe par toute l’Égypte ; car lorsque l’on voulait exprimer quelque chose de lourd, elles étaient toujours l’objet de comparaison. Ainsi, qu’un invité s’attardât trop dans la maison de son hôte, on disait de lui : « Il a le sang lourd comme les babouches d’Abou-Cassem ! » Et qu’un maître d’école, de l’espèce des maîtres d’école affligés de pédantisme, voulût faire montre d’esprit, on disait de lui : « Éloigné soit le Malin ! Il a l’esprit lourd comme les babouches d’Abou-Cassem ! » Et qu’un portefaix fût accablé sous le poids de sa charge, il soupirait en disant : « Qu’Allah maudisse le propriétaire de cette charge ! Elle est lourde comme les babouches d’Abou-Cassem ! » Et qu’une vieille matrone, dans un harem, de l’espèce maudite des vieilles renfrognées, voulût empêcher les jeunes épouses de son maître de s’amuser entre elles, on disait : « Qu’Allah éborgné la calamiteuse ! Elle est lourde comme les babouches d’Abou-Cassem ! » Et qu’un mets trop indigeste bouchât les intestins et créât une tempête dans l’intérieur du ventre, on disait : « Allah me délivre ! Ce mets maudit est lourd comme les babouches d’Abou-Cassem ! » Et, ainsi de suite, dans toutes les circonstances où la lourdeur faisait sentir son poids.

Or, un jour, Abou-Cassem ayant fait une affaire de vente et d’achat plus avantageuse encore qu’à l’ordinaire, fut mis de très belle humeur. Aussi, au lieu de donner quelque festin, grand ou petit, selon