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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/224

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les mille nuits et une nuit

que je n’ai qu’une chose à te dire : tant que, tes calculs faits, tu trouves que j’ai encore de quoi déjeuner, garde-toi bien de me faire supporter la préoccupation et le souci de mon dîner ! Et comme il a raison excellement, le poète qui dit :

» Si un jour j’étais réduit à la pauvreté et par la fortune abandonné, que ferais-je ? Simplement de mes voluptés passées je me priverais, et me contenterais de ne plus bouger ni bras ni jambes !

Et je vous défie, vous tous, de me citer un avare qui se soit attiré les louanges par son avarice, comme je vous défie de me montrer un prodigue qui soit mort de sa prodigalité. »

À l’audition de ces vers récités par Ali-Nour, l’intendant n’eut plus qu’à se retirer en saluant respectueusement son maître Ali-Nour, et s’en alla veiller à ses affaires.

Quant à Ali-Nour, dès ce jour il ne sut plus mettre de bornes à sa générosité et à la bonté de son naturel, qui lui faisait donner tout ce qu’il avait à ses amis et même aux étrangers. Il suffisait que l’un de ses invités lui dît : « Comme tel objet est joli ! » pour qu’aussitôt Ali-Nour lui répondit : « Mais il t’appartient ! » ou qu’un autre lui dît : « Ô cher seigneur, quelle belle propriété tu as là ! » pour que tout de suite Ali-Nour lui dît : « Je vais immédiatement l’écrire à ton nom ! » et il se faisait apporter le calam, l’écritoire en cuivre et le papier, et écrivait la maison ou la propriété au nom de l’ami, et la timbrait de son sceau. Et il continua de la sorte