Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 2, trad Mardrus, 1916.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire de douce-amie et d’ali-nour
223

effrayé de cette marche, vint le trouver et lui dit : « Ô mon maître, ne sais-tu que trop de générosité nuit et que de trop nombreux cadeaux épuisent la richesse ? Et ne sais-tu que celui qui donne sans compter s’appauvrit ? Aussi comme il parle vrai, le poète qui dit :

» Mon argent ! précieusement je le conserve, et, plutôt que de le volatiliser, j’en fais des lingots fondus. L’argent est mon glaive et il est aussi mon bouclier.

Et quelle folie d’en combler mes ennemis, mes pires ennemis ! N’est-ce point, parmi les hommes, changer ma félicité en infortune ?

Car mes ennemis se hâteront de le manger et de le boire avec délices, et ne songeront même pas à faire au malheureux l’aumône d’une obole !

Aussi je fais bien de soigneusement cacher mon argent à l’homme méchant et inexorable qui ne sait point compatir aux maux de ses semblables.

Je garderai mon argent ! Car malheur au pauvre qui, altéré comme le chameau resté cinq jours loin de l’abreuvoir, demande l’aumône d’une obole ! Son âme devient plus vile que l’âme même du chien.

Oh ! malheur à l’homme sans argent et sans ressources, serait-il même le plus savant d’entre les sages et d’un mérite plus brillant que le soleil ! »

À l’audition de ces vers récités par son intendant, Ali-Nour le regarda curieusement et lui dit : « Aucune de tes paroles ne saurait sur moi avoir quelque influence. Sache donc, une fois pour toutes,