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les mille nuits et une nuit

tu été dévoré par les mangeurs d’hommes ! Plût à Allah que tu eusses été englouti par la mer dans l’un de tes naufrages, plutôt que de succomber à une mort si effroyable ! » Et là-dessus je me mis à me donner de grands coups sur la tête et sur l’estomac et partout. Toutefois, pressé par la faim et la soif, je ne pus me décider à me laisser mourir d’inanition, et je détachai de la corde les pains et le pot d’eau, et je mangeai et je bus, mais parcimonieusement, en prévision des jours suivants.

Je vécus de la sorte pendant quelques jours, m’habituant peu à peu à l’odeur insupportable de cette grotte, et je m’endormais par terre dans un endroit que j’avais pris soin de déblayer des ossements qui le jonchaient. Mais bientôt je vis arriver le moment où il me resterait plus ni pain ni eau. Et ce moment arriva. Alors, au désespoir absolu, je fis mon acte de foi et j’allais fermer les yeux pour attendre la mort, quand soudain au-dessus de ma tête je vis s’ouvrir l’orifice du puits et descendre un homme mort dans un cercueil, et, après lui, son épouse avec les sept pains et le pot à eau.

Alors, moi, j’attendis que les hommes du haut eussent à nouveau bouché l’orifice et, sans faire le moindre bruit, tout doucement, je saisis un grand os de mort, et d’un bond je fus sur la femme que d’un coup sur la tête j’assommai ; et, pour m’assurer de sa mort, je lui assénai encore un second et un troisième coups de toute ma force. Je m’emparai alors des sept pains et de l’eau, et j’eus de la sorte des provisions pour quelques jours encore.

Au bout de ce temps-là, de nouveau l’orifice s’ou-