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L’ENTHOUSIASME

échappent à notre volonté, et qu’il suffit qu’ils soient défavorables pour que nous soyons privés de leur secours — j’arrivai par ce moyen ; il présuppose de bons instincts…

« Et enfin la raison qui est le plus haut, le plus noble et le plus sûr, et qui fut le guide de Claire. »

C’était vrai. En dépit d’une éducation contraire au développement de toute personnalité, en dépit des soubresauts d’une nature où il entrait certainement plus de penchants au mal qu’en la mienne, et quoique la période de tâtonnement commençât à peine pour elle, il y avait déjà là une conscience, c’est-à-dire un centre de réflexions et de logique, un point fixe autour duquel pouvaient se rallier les drames intérieurs, et capable de repousser et d’absorber à sa guise les éléments étrangers. Et quand la vie est survenue avec ses tentations, ses mirages, ses tristesses et ses déboires, un être fort et bien armé l’attendait, qui s’est livré aux événements sans réserve et pour satisfaire à sa jeunesse, à sa curiosité, à un désir insatiable d’élargir son horizon, mais qui cependant gardait toujours, à travers les pires orages et les pires épreuves, sa raison, surveillante austère et lucide.

Est-ce là une chance de bonheur ? Non, car une telle conscience n’admet nul bonheur qui choque la raison. Elle choisit, elle étudie, elle rejette, elle essaye, elle modifie. Aussi ai-je été heureux plus tôt que Claire et généralement de façon plus aiguë,