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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/67

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LES JOURNALISTES ET L’AMOUR

Je sus bientôt que Jane Watson n’avait pas, comme elle le prétendait, le monopole des interviews sur l’amour, mais pour les reporters américains, la Française a résolu tous les problèmes amoureux. Au bout de leurs questions définitives, les reporters attendent un verdict définitif.

On entoure l’amour d’une sournoise considération. De braves dames déclarent :

« — Avant mon mariage, je ne savais rien ; mais après, oh ! après, je savais tout… »

Et leur regard englobe l’univers. Des personnes soi-disant libres murmurent en parlant d’un flirt :

« — Savez-vous jusqu’où ils vont ? »

Et il semble à leur intonation qu’elles touchent à un monde rempli d’énigmes impénétrables.

Une jeune mariée me fit ses confidences :

« — Je suis une artiste et je me suis mariée pour mon art. »

« — Ah !… »

« — Oui, je joue du violon. Mon professeur m’a dit :

« — Ça ne peut pas aller mieux tant que vous ne connaîtrez pas la vie. Il faut vous marier ».

« — ?… »

— « Alors je me suis mariée. Maintenant mon jeu est tout changé, je connais la vie. »

Je la regardai — cheveux courts, visage en pomme, joues rondes, poitrine plate, petit nez mal poudré, voix acide d’adolescente qui a trop grandi, ardeur d’enfant devant une boutique de bonbons. Évidemment cette jeune personne avait été le théâtre d’une révélation.

Le jeune mari s’approcha. — « Hello ! hello ! » Et d’une main lourde il frappait à petits coups sur l’épaule de son épouse. Un beau garçon bien taillé pour les sports, trop haut, trop large, avec une de ces paires de bras trop longs qui ne savent pas quoi faire quand ils n’ont rien à faire. C’était bien là le héros magicien. Une nuit dans ses bras et le cosmos n’a plus de secrets.