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premières poésies

Où l’île en souriant sommeille sous les yeux
Que les étoiles d’or entr’ouvrent dans les cieux ;
Et quand, de l’Océan, un chant doux et sonore
S’exhale lentement, puis vers cette autre aurore
Qui dispute à nos soirs la bleue immensité,
S’élance en murmurant : amour et majesté !

Les merveilleuses nuits ont choisi pour compagnes
Vos terrestres splendeurs, ô mes vieilles montagnes,
Et, dans l’ombre du soir, superbes, vous mêliez
Aux feux supérieurs la flamme des glaciers.

Oh ! j’ai pu vous quitter, reines orientales,
Qui couronnez vos fronts de clartés aurorales…
Oh ! j’ai pu vous quitter !… Je vous aimais, pourtant ;
J’ai fui vos pieds d’encens pour le pôle occident,
J’ai préféré la tombe aux clartés de l’aurore !
Filles du ciel natal, vous reverrai-je encore ?
Reverrai-je l’azur de vos crânes neigeux
Du soleil éclatant se baigner dans les feux,
Écouterai-je encor vos chants doux et sévères
Montée avec les vents des forêts séculaires ?…
Et quand de l’ouragan le choc impétueux
Se heurte avec la foudre à vos flancs caverneux,
Lorsque la vieille mer, haletante de rage,
Creuse vos fondements ainsi qu’un sourd orage,
Ô montagnes, assis sur quelque morne nu,
De mes brûlantes mains pressant mon cœur ému,