Page:Lefèvre-Deumier - Confidences, 1833.djvu/356

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Ses jours sont à jamais retranchés de mes jours :
Je ne veux plus la voir… mais je l’aime toujours.
Je l’aime ! et je néglige, à moi-même infidèle,
Je néglige mon sort pour ne rêver que d’elle.
Ce qu’elle pense, espère, ou devient loin de moi,
M’occupe presque autant que son manque de foi ;
Je suis jaloux d’un cœur que le mien répudie.
Sans vouloir y rentrer ma fièvre l’étudie,
J’en sonde les détours. Dieu descendrait du ciel
M’expliquer les secrets de l’ordre universel,
Je n’écouterais pas : je songerais encore
Aux liens qu’elle impose, aux regards qu’elle implore,
Aux aigrettes de fleurs flottant sur ses cheveux,
A son art séducteur d’en disposer les nœuds.
Son éclat me poursuit comme un surcroît d’injure :
Je ne vis plus en moi, je vis dans la parure,
Qui fascine les yeux, qu’elle épie, en passant.
Misère !… Et voilà l’homme, un demi-dieu pensant,
Esprit qui s’imagine être le roi du globe,
Et qui tient tout entier dans le pli d’une robe !