Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/262

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des enfants qui lui rappellent les siens ; il n’a pas le temps de les regarder. Il se retrouve au lieu où il est né... il voudrait s’y arrêter un instant... Passe ! passe ! dit le tourbillon qui l’emporte. Et cette lamentation terrible se termine par ces quatre vers que je ne crains pas d’appeler sublimes :

 
Vous qui manquez de charité,
Tremblez à mon supplice étrange !
Ce n’est point sa divinité,
C’est l’humanité que Dieu venge.


V

Reste enfin un dernier point, la liberté.

Comment Béranger conciliait-il son amour pour la liberté avec son adoration pour l’empereur ? Il ne la conciliait pas. Il était inconséquent et sincère comme nous, jeunes gens de dix-huit à vingt ans, qui étions à la fois enragés bonapartistes et enragés libéraux. D’ailleurs, comment n’aurait-il pas aimé la liberté, lui qui avait un amour si farouche de l’indépendance ? Il était de la race du loup de La Fontaine ; le cou pelé lui faisait horreur. Toute l’ambition de sa vie a été de n’être rien. La Révolution de 1830 lui donna accès à toutes les places, il les refusa toutes. Nommé député