Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/167

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avait un double but : d’abord affirmer ses sentiments religieux, beaucoup plus profonds qu’on ne le croit. Béranger étant non seulement croyant, mais chrétien de cœur, sinon de foi. L’Évangile était une de ses plus chères lectures. Il citait souvent le Sermon sur la montagne comme un chef-d’œuvre d’éloquence et de grandeur, et j’étonnerais bien des gens en répétant ce qu’il m’a fit un jour, vers la fin de sa vie : « Il me semble souvent que la première personne que je rencontrerai en arrivant dans l’autre monde, ce sera Jésus-Christ. »

Son second but était tout littéraire. Béranger savait-il le latin, comme le soutiennent quelques-uns de ses amis, ou ne le savait-il pas, comme il le soutenait lui-même ? Je l’ignore, mais la vérité est que la littérature latine ne l’enthousiasmait nullement. Toute son admiration était pour la poésie grecque. « Vos Romains ne sont que des barbares, disait-il souvent, à côté des Athéniens. L’Attique, voilà le vrai pays de l’art ! » Je trouve dans un couplet du Voyage imaginaire, une admirable peinture de son amour pour la Grèce.

 
En vain faut-il qu’on me traduise Homère,
Oui, je fus Grec ; Pythagore a raison.
Sous Périclès, j’eus Athènes pour mère ;
Je visitai Socrate en sa prison !
De Phidias j’encensai les merveilles,
De l’Illissus j’ai vu les bords fleurir,
J’ai sur l’Hymète éveillé les abeilles ;
C’est là, c’est là, que je voudrais mourir !…


Ainsi nourri d’Homère, d’Euripide, de Sophocle, voire de Platon, il forma le dessein, après ses premiers