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VII

Le lendemain, nous nous étions tous donné rendez-vous à la villa Pamphili. Les après-midi d’octobre sont admirables à Rome, plus parfumés et plus pénétrants encore que les matinées de printemps. La Malibran arriva, toujours songeuse. Le cours de la promenade nous amena dans un recoin très ombreux et arrondi comme un petit cirque de verdure. Sur le sol, un fin gazon ; de chaque côté, de grands pins parasols entremêlés d’arbousiers ; au fond, une source et une fontaine. La source tombait dans un petit bassin de granit ; la fontaine était surmontée d’une plate-forme où l’on arrivait de deux côtés par huit ou dix marches de marbre. La fraîcheur de l’eau, la chaleur du jour tentèrent la Malibran, qui courut, comme une enfant, mettre sa tête sous ce flot de source, et en ressortit bientôt les cheveux tout mouillés. L’eau ayant défait ses bandeaux, elle secoua, pour les sécher, ses cheveux qui tombèrent éparpillés sur ses épaules, et le soleil, perçant le feuillage des pins et des arbousiers de petites flèches d’or, faisait étinceler çà et là les gouttes d’eau cristallisées sur sa tête, et y jetait comme un semis d’étoiles. En relevant le front, elle aperçut la plate-forme qui surmontait la fontaine. Quelle pensée traversa alors son esprit ? Je ne sais, mais sa physionomie changea