Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/369

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chose de la grâce d’un enfant. Oui ! Si étrange que puisse paraître ce mot appliqué à l’auteur de Mathilde et d’Atar-Gull, il y avait de l’enfant en lui. Il était mobile et aimable comme un enfant, admiratif comme un enfant, câlin comme un enfant, repentant de ses torts comme un enfant, ce qui fait qu’on les lui pardonnait comme à un enfant ; enfin cet ensemble de défauts naïvement avoués et de qualités naïvement oubliées, formait une des natures les plus séduisantes que j’aie connues, et ce charme tout particulier l’a suivi jusque dans sa transformation.

— Nous y voilà donc enfin !

— Elle commence. »


III

Un coup violent l’arracha brusquement à la vie de luxe et à la vie du monde. Ce coup, vous le devinez, ce fut la ruine. En trois ou quatre ans, il avait tout dévoré, son patrimoine, un héritage et le produit considérable de ses romans. Ce malheur resserra encore notre liaison et il m’en advint avec lui comme avec Berlioz : mon cher foyer de famille lui servit de lieu de refuge. Il arrivait tous les jours chez moi, vers les deux heures, pâle et défait, me suppliant de fermer ma porte, car tout visage étranger lui était odieux, et je ne puis penser sans émotion aux larmes et aux sanglots du pauvre garçon.