Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/37

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Après Lamartine, Alexandre Dumas :

« Le rôle de Danville, dit-il dans ses Mémoires, est doux, noble, charmant, complet d’un bout à l’autre. Comme ce cœur de vieillard aime bien à la fois Hortense en amant et en père ! Jamais le déchirement d’une âme humaine ne s’est fait jour avec plus de force que dans ce sanglot :


Je ne l’aurais pas cru ! C’est bien mal ! C’est affreux !


« Ce qu’il y a de vraiment beau dans l’École des Vieillards, c’est cette profonde, cette sanglante souffrance d’un cœur déchiré ! C’est cette situation qui permettait à Talma d’être grand et simple à la fois, de montrer tout ce que peut souffrir cette créature née de la femme, et enfantée dans la douleur pour vivre dans la douleur, qu’on appelle l’homme »

Alexandre Dumas ajoute que le rôle d’Hortense ne vaut pas celui de Danville. Il a raison, et Mlle Mars était de son avis. J’en eus la preuve bien des années après. En 1838, me trouvant alors en relations de travail avec Mlle Mars, je lui parlai un jour de ce rôle d’Hortense et sa réponse me montra à quel point la composition de son personnage l’occupait toujours. « J’ai joué peu de rôles plus difficiles, me dit-elle ; savez-vous pourquoi ? C’est qu’il n’a pas le même âge pendant toute la pièce. Au premier acte, Hortense a vingt-cinq ans ; au cinquième, elle n’en a plus que dix-huit. C’est une grande coquette dans l’exposition, et, au dénouement, c’est une ingénue. Vous ne sauriez croire combien il est malaisé de donner de la vérité à un rôle quand toutes les parties ne s’en tiennent pas bien. Heureusement, ajouta-t-elle gaiement, le public ne s’en est pas aperçu et pas un critique n’en a fait la remarque. ― A