Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/442

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Un jour, le bruit se répand que son père a péri dans un naufrage sur les côtes de la Sicile. Goubaux le fait venir et lui dit : « Mon cher enfant, j’espère que cette nouvelle est fausse, mais, si elle était vraie, souvenez-vous que cette maison est la vôtre. Dieu me garde de prétendre à remplacer votre père, mais je ferai tout ce que je pourrai pour vous le rappeler. » Or, c’était vers 1834, c’est-à-dire au moment de ses plus terribles embarras d’argent, que Goubaux pensait à s’imposer cette nouvelle charge. Ses propres malheurs, au lieu de l’absorber tout entier, ne faisaient jamais que lui rendre plus sensibles les malheurs qui n’étaient pas les siens. A demi perdu, il pensait encore à sauver les autres. Ajouterai-je que Dumas fit comme Gilbert ? Il se souvint plus tard, lui aussi, d’une dette semblable que Goubaux avait oubliée. Grâce à tous ces témoignages de gratitude, et malgré toutes ses propres générosités, Goubaux touchait au but. Il lui fallut, cependant, pour l’atteindre, franchir une nouvelle étape, plus dure pour lui que pour un autre.

Toute idée semblable à la sienne demande, pour être menée à bien, trois hommes : un inventeur, un organisateur et un administrateur. Or, Goubaux était un inventeur de premier ordre, un organisateur du second et un administrateur du sixième, pour ne pas dire du dernier. Heureusement, il lui vint l’idée de charger quelqu’un de ces fonctions administratives qui lui convenaient si mal. Qui fut ce quelqu’un ? La Ville de Paris. Après avoir d’abord réclamé et obtenu son patronage, il lui proposa hardiment de se mettre en son lieu