Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/444

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

son maître ! le successeur de son maître ! le continuateur de son maître ! Il dirige aujourd’hui, avec un mérite qui est un titre d’honneur de plus pour celui qui l’a deviné, ce magnifique collège municipal Chaptal qui est une des gloires de la ville de Paris et qui lui rapporte parfois près de cent mille francs par an. Or, le croirait-on ? Voilà vingt-sept ans que Goubaux est mort, et depuis vingt-sept ans il n’y a pas eu à l’Hôtel de Ville, un préfet de la Seine, ni un conseil municipal que je n’aie ardemment sollicité, non de substituer mais d’adjoindre sur la porte de ce collège au nom de Chaptal, qui n’y est absolument pour rien, le nom de Goubaux, qui y a tout fait, et je n’ai pas pu l’obtenir ! M Haussmann, M. Jules Ferry, M. Calmon, M. Léon Say, tous, tous, je les ai poursuivis de ma requête, et tout ne m’ont payé que de vaines promesses. J’allai un jour jusqu’à M. Thiers. C’était à Versailles, le 1er janvier 1873, M. Thiers m’ayant amicalement invité à déjeuner :

« Monsieur le président de la République, lui dis-je gaiement en nous mettant à table, voulez-vous me donner mes étrennes ?

— Très volontiers, cher confrère, répondit-il en riant. De quoi s’agit-il ?

— De rendre justice à un homme qui a rendu un grand service à l’État. »

Là-dessus, je lui raconte l’affaire de Goubaux, ajoutant que l’inscription de son nom sur le fronton de la porte du collège, était son droit, était l’héritage d’honneur de ses enfants, serait une leçon pour tous les élèves,