Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/456

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il faut que j’aille reprendre mon collier de commandement, c’est Legouvé qui fera le mariage. »

Ainsi fut fait. Nous employâmes notre hiver à achever la pièce, et au commencement du printemps nous allâmes la lire à Eugène Sue ; Eugène Sue s’installa à son chevalet pour nous entendre. Il prétendait ne jamais écouter si bien qu’en peignant.

L’effet fut à la fois excellent et désastreux. Succès complet pour les trois premiers actes : les deux derniers, détestables. Il ne s’agissait pas de corrections, d’améliorations, de coupures, tout était à jeter bas et à refaire. Notre découragement fut profond. Quatre mois s’écoulèrent en vaines recherches, et nous commencions à désespérer du succès, quand un secours inattendu, un auxiliaire providentiel vint nous tirer de peine. Quel était cet auxiliaire ? Un troisième collaborateur. Quel était ce troisième collaborateur ? Un personnage fort singulier, qui vient en aide même aux auteurs qui ne s’aident de personne, et dont, à ce titre, il est bon de parler un peu dans ce chapitre sur la collaboration. C’est le hasard.

Le hasard joue un grand rôle dans les conceptions théâtrales. Un mot qu’on entend, un livre qu’on lit, une personne qu’on rencontre, vous suggèrent tout à coup l’idée vainement cherchée.

En 1849, E. Augier faisait répéter Gabrielle au Théâtre-Français. Arrive le cinquième acte, une difficulté surgit. La pièce ne marche plus. Auteur et acteurs sentaient le besoin d’un coup vigoureux, imprévu pour remplir ce cinquième acte. E. Augier cherchait et ne