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V

Telles furent mes premières relations avec Casimir Delavigne. Aucun nom n’était alors plus éclatant que le sien. Aujourd’hui l’école du Dédain transcendant, c’est ainsi qu’elle se nomme elle-même, le traite comme Béranger, comme Chateaubriand, comme Scribe, comme Lamennais, comme Lamartine ; elle le jette avec les autres à l’oubli. Je me trompe ; elle n’oublie pas ! Elle ressuscite de temps en temps ceux qu’elle a enterrés, pour accoler à leur nom quelque épithète méprisante. Qu’importe ? Casimir Delavigne n’en reste pas moins un des esprits les plus brillants de la Restauration et de la monarchie de Juillet. Que de dons divers et charmants ! Les chœurs du Paria peuvent se relire à côté de ceux d’Esther et d’Athalie ; Don Juan d’Autriche a été et est encore une des plus amusantes comédies de notre temps ; L’École des Vieillards renferme deux rôles d’homme excellents, outre les belles scènes que j’ai signalées. Louis XI compte parmi les drames qui passionnent encore la foule ; et le succès éclatant qu’il obtint récemment à l’Odéon, proteste contre l’abandon que le Théâtre-Français a fait de tout le répertoire de Casimir Delavigne. Une anthologie du dix-neuvième siècle ne sera complète que si l’on y met au premier rang, l’Âme du Purgatoire, les Limbes, les Adieux