Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/552

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nous dit tout à coup : « Mais enfin, puisque votre médecin déclare votre enfant perdue, pourquoi ne vous adressez-vous pas à cette médecine nouvelle qui commence à faire tant de bruit dans Paris ; pourquoi n’irez-vous pas trouver Hahnemann ? ― Il a raison ! s’écria Goubaux, Hahnemann est mon voisin. Il demeure rue de Milan, en face de mon institution ? Je ne le connais pas. Mais n’importe ! j’y vais ! et je vous le ramène. » Il arrive, il trouve vingt personnes dans l’antichambre. Le domestique lui explique qu’il doit attendre son tour. « Attendre ! s’écrit Goubaux. La fille de mon ami se meurt ! Il faut que le docteur vienne avec moi ! ― Mais, monsieur, s’écrie le domestique… ― Oui ! je comprends, je comprends, je suis le dernier. Qu’importe !Les derniers seront les premiers, à dit l’Évangile ; puis se retournant vers les assistants : N’est-ce pas que vous voulez bien me donner votre place ? » Et sans attendre la réponse, il alla droit à la porte du cabinet du docteur, l’ouvrit et tombant au milieu d’une consultation : « Docteur, dit-il à Hahnemann, ce que je fait là est contraire à toutes les règles ; mais il faut que vous quittiez tout pour venir avec moi ! Il s’agit d’une charmante petite fille de quatre ans, qui meurt si vous ne venez pas. Vous ne pouvez pas la laisser mourir… C’est impossible. » Et son invincible charme opérant comme toujours, une heure après, Hahnemann et sa femme arrivaient avec lui dans la chambre de notre malade.

Au milieu de tous les troubles de ma pauvre tête affolée