Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/555

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de M. de Jouy : « Je regrette beaucoup que cette petite fille ne soit pas morte ! » La plupart répétaient : « Ce n’est pas le charlatan qui l’a guérie, c’est la nature ! Il n’a fait, lui, qu’hériter du traitement allopathique. » A quoi je répondais ce que je réponds encore : « Que m’importe qu’il ait été la cause ou l’occasion ? Que m’importe qu’elle ait été sauvée par ses mains ou entre ses mains ? Était-elle perdue quand il est entré dans ma maison ? Oui. Était-elle guérie quand il l’a quittée ? Oui. Je n’ai pas besoin d’en savoir davantage pour lui conserver une éternelle reconnaissance. Mon infidélité à sa doctrine, ne me rend pas infidèle à sa mémoire, et il reste pour moi une des natures les plus puissantes que j’aie rencontrées.

La façon même dont il conçut sa doctrine le peint d’un trait. Fut-ce de sa part calcul, intérêt ? désir de renommée ? conception purement scientifique ? Non. C’est de son cœur que sortit son système. Médecin de premier ordre, à la tête d’une des plus riches clientèles de l’Allemagne, il réclama un jour le conseil d’un de ses confrères, pour son dernier enfant malade. Le cas était grave, les remèdes ordonnés furent énergiques, violents, douloureux ; moxas, ventouses, saignées. Tout à coup, après une nuit de souffrance de l’enfant, Hahnemann saisi de pitié, d’horreur s’écria : « Non ! ce n’est pas possible ! Non ! Dieu n’a pas créé ces chers petits êtres pour que nous les soumettions à de pareilles tortures ! Non ! Je ne veux pas être le bourreau de mes enfants ! Alors, aidé par ses longues et profondes études de chimie, il se lança