Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/567

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Jamais je ne m’acquitterai envers lui. Il avait un art incroyable pour m’exciter, pour me remonter, pour me consoler. Je lui dois jusqu’a mon cher Séricourt. Oui, ce cabinet où nous sommes assis, mon cher ami, savez-vous de quoi il est fait ? Des deux petites chambres où j’ai écrit à côté de lui, et grâce à lui, mes premiers ouvrages. ― Comment ! m’écriai-je, cette pension bourgeoise… ― C’est Séricourt ! Et j’en suis devenu propriétaire par le hasard le plus étrange. Je revenais de Belgique avec Mélesville, nous étions en poste. Nous arrivons à la Ferté-sous-Jouarre, nous nous arrêtons pour changer de chevaux. Les postillons y mettaient le temps, si bien qu’en attendant, je m’asseois sur une borne, et je me mets à écrire sur mon carnet une idée de scène qui m’était venue en route. Oh ! je n’ai jamais perdu mon temps. Tout en cherchant, je lève les yeux, et je vois sur la porte de l’auberge une grande affiche portant : « Vente à l’amiable du domaine de Séricourt. » Séricourt ! me dis-je tout à coup, mais je connais ce nom-là. Monsieur l’aubergiste, est-ce que Séricourt n’appartient pas aux dames D… ? ― Oui, monsieur. ― Et on peut le visiter ? Oui, monsieur, il est à vendre. ― Combien faut-il de temps pour y aller ? ― Trois quarts d’heure. ― Parbleu ! m’écriai-je, je voudrais bien revoir ma chambre… A ce moment, chevaux et postillons arrivaient, les uns faisaient sonner leurs grelots, l’autre faisait claquer son fouet, ― Mélesville ? dis-je à mon ami, veux-tu retarder notre arrivée à Paris de deux heures ? ― De quatre, si tu veux ! ― Eh bien, postillon, à Séricourt… J’arrive, je parcours le