Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/576

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du premier acte. ― Mais nous ne sommes pas fixés sur ce que nous mettrons dans ce premier acte. ― Laissez ! laissez ! Ne me faites pas perdre le fil !… » Et il écrit :

 
Scène première ― La princesse de Bouillon, l’abbé.
Scène deuxième ― Les mêmes, la duchesse d’Aumont.
Scène troisième ― Les mêmes, le prince de Bouillon.


« Mais mon ami, lui dis-je, en l’interrompant, avant de faire entrer là le Prince de Bouillon, il faudrait savoir… ― Je sais, me répondit-il, que le Prince de Bouillon doit paraître deux fois dans l’acte, et si je ne le place pas à ce moment-là je ne saurai plus qu’en faire », et il continua d’écrire, et quelques jours après, quand tous les incidents et les mouvements de scène de ce premier acte furent arrêtés, les personnages vinrent se placer naturellement à l’endroit qui leur avait été marqué, comme des convives vont prendre à table la place où la maîtresse de la maison à inscrit leur nom. Je restai émerveillé. Peu de faits m’en ont plus appris sur notre arts.

Au milieu de notre travail, Scribe fut obligé de s’interrompre. Il m’en expliqua le motif dans une lettre que je tiens à citer, car elle montre un côté de son caractère et un coin de sa vie :

« Mon cher ami, je viens vous demander crédit. Notre chère Adrienne est de celles pour qui on doit tout quitter ; on ne doit pas s’occuper d’autre chose quand on s’occupe d’elle. Et voilà qu’au moment de me mettre à notre troisième acte, l’Opéra-Comique me réclame pour le nouvel ouvrage d’Auber, Buloz me demande