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V

Après l’invention du sujet, vient le plan. On se moque beaucoup du plan aujourd’hui. On inflige, aux auteurs qui s’en préoccupent, le nom de carcassiers. A quoi je réponds : depuis trente ans on a repris beaucoup de pièces anciennes ; les seules qui aient retrouvé leur succès d’autrefois, sont les pièces fondées sur un bon plan. Le plan est pour un drame ce qu’il est pour une maison, la première condition de toute solidité et de toute beauté. En vain couvrirez-vous un bâtiment des plus riches ornements, en vain emploierez-vous à sa construction les plus solides matériaux : s’il n’est pas édifié selon les lois de l’équilibre et selon les lois de l’ordonnance, il ne durera pas et il ne plaira pas. Ainsi des poèmes dramatiques. Le poème dramatique doit, avant tout, être clair : sans plan, pas de clarté. Il doit marcher sans arrêt vers un but précis ; sans plan, pas de progression. Il doit placer chaque personnage à son rang, chaque fait à son point ; sans plan, pas de proportion. Le plan ne comprend pas seulement l’ordonnance ; il contient aussi l’art, que Dumas père proclamait la première loi du théâtre, l’art des préparations. Le public est un être bien bizarre, bien exigeant, et bien inconséquent. Il veut qu’au théâtre tout soit à la fois préparé et imprévu.