Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/653

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les deux pièces. Quelques jours s’écoulent. Lettre de Casimir à Scribe : « Mon cher ami, je ne fais que rêver à ta princesse. J’en suis amoureux. Donne-la-moi. Mon diplomate a paru te plaire, prends-le. Changeons. ― Soit, dit Scribe, changeons. » Mais qu’arriva-t-il ? Que l’idée de Casimir devint le Diplomate et que l’idée de Scribe et de Germain devint la Princesse Aurélie ; c’est-à-dire que Casimir avait échangé un succès pour une chute. A quoi Scribe disait : « Nous aurions eu, Germain et moi, le même succès avec la Princesse Aurélie qu’avec le Diplomate, parce que nous l’aurions faite en deux actes et non en cinq, et que nous l’aurions écrite en prose et non en vers. Ce sont les vers qui ont perdu Casimir. Il les fait trop bien, il en a trouvé de trop jolis, l’étoffe était trop mince pour les broderies, l’habit a craqué ! Voilà ce que c’est que d’être poète ! » Puis il ajoutait gaiement : « Ce malheur ne m’arriverait jamais à moi ! »

Un dernier trait achèvera de peindre cet amical et spirituel trio.

Au temps où ils étaient encore obscurs, les trois amis allaient souvent terminer leur soirée au Théâtre-Français : « Ah ! se disaient-ils, si nous pouvions jamais être joués là !… » Quelques années après, ils allaient encore dîner ensemble et finir leur soirée au Théâtre-Français. On donnait l’École des Veillards et Valérie. Le nom de Germain Delavigne n’était pas sur l’affiche, mais son esprit était dans les deux pièces. Il resta toujours le premier ministre consultant de Scribe, même après la cessation des dîners du jeudi, car ils cessèrent :