Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/652

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

affaire à la fin par un moyen fort ingénieux ; ce moyen va parfaitement à ta pièce, prends-le. ― Et toi ? ― Moi, je le garderai. ― Mais le public ? ― Le public ? Il n’y verra rien. Personne n’ira s’imaginer que le dénoûment d’un petit vaudeville en un acte soit celui d’une grande comédie en cinq actes et en vers. Prends sans inquiétude, et je garde sans remords. » Scribe avait deviné juste, aucun critique ne s’aperçut de la ressemblance ; seulement le dénoûment du vaudeville parut charmant, tandis que celui de la comédie parut faible. Un fil suffit pour nouer un petit acte, et il faut le délier d’une main légère ; mais une grande œuvre demande plus de vigueur dans la solution comme dans la conception.

Ces aimables échanges donnèrent lieu à un autre fait dramatique très curieux. Casimir avait en tête une comédie en deux actes, vive, gaie, amusante, et fondée sur un malentendu diplomatique : un jeune homme, envoyé dans un petit état d’Allemagne, pour y chercher un costume de bal, est pris pour un grave messager politique. Le même jour arrivent Scribe et Germain, apportant au menu dramatique du jeudi un projet qui les enchantait ; c’était l’histoire d’une jeune princesse de dix-huit ans, qui, jetée avec sa grâce, sa coquetterie, sa finesse, son ignorance, et une tendre passion dans le cœur, au milieu de toutes les intrigues politique d’une petite cour, navigue parmi tous les aspirants à sa royale main, avec autant d’adresse et plus de gaieté que Pénélope. Les deux plans ont un même succès, et les trois amis se séparent, entendant déjà les bravos qui attendaient